Sa canonisation
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Je ne crois pas devoir terminer autrement cette histoire, qu’en rapportant, le plus brièvement qu’il me sera possible, ce qui concerne la canonisation du saint roi.
Aussitôt après sa mort, il fut appelé Ferdinand le Saint, nom qui servit constamment à le distinguer des autres rois de Castille qui avaient porté le nom de Ferdinand. Les peuples qui le lui avaient donné, agirent conséquemment, en l’honorant et en l’invoquant comme on fait les saints, et les fruits merveilleux qu’ils recueillirent de leur dévotion, servirent à l’entretenir et à la conserver pendant quatre siècles.
Cependant on en demeura là, c’est-à-dire qu’on ne pensa pas à faire l’information juridique des vertus et des miracles. L’Eglise n’avait donc pas encore parlé; et le culte qu’on rendait à saint Ferdinand n’était encore qu’une dévotion populaire, qui se soutenait par son ancienneté et par la tolérance des supérieurs ecclésiastiques qui ne l’avaient jamais désapprouvée.
Le chapitre de Séville résolut enfin d’obtenir la canonisation du saint roi, dont il possédait les précieux restes, que Séville pouvait regarder comme son apôtre, et que le chapitre en particulier reconnaissait pour son fondateur.
L’affaire fut proposée à Rome en 1628. Le pape, qui était alors Urbain VIII, nomma aussitôt des commissaires pour informer sur les lieux de l’ancienneté du culte, et des miracles qui se faisaient encore journellement par l’intercession de saint Ferdinand. Cependant la procédure dura plus de quarante ans et ce ne fut que le 4 de février de l’an 1671 que le pape Clément X déclara que le roi Ferdinand pouvait et devait être honoré comme saint.
Le troisième jour suivant, septième du même mois, il donna un décret portant que, dans tous les pays qui sont sous la domination du Roi Catholique, on en ferait l’office double tous les ans, le trentième jour de mai, jour de la mort du saint roi. Ce décret, qu’il serait inutile de rapporter en entier, n’est appuyé que sur la preuve certaine et juridique du culte immémorial rendu à saint Ferdinand, au vu et sans l’opposition des ordinaires. On y cite, comme le point le plus décisif de ce culte, les messes qu’on a fait dire de tous temps en son honneur, comme elles se disent en l’honneur des saints reconnus par l’Eglise. C’est de ce jour que celui qui, pendant quatre cent dix-neuf ans, avait été appelé Ferdinand le Saint, a commencé à s’appeler saint Ferdinand.
Les miracles opérés par son intercession sont sans nombre. Cinquante ont été produits au procès. J’en choisis un qui m’a paru plus digne que les autres de la pieuse curiosité des lecteurs: c’est l’incorruption de son corps, qui a été vérifié dans les deux ouvertures qui se firent de son tombeau: l’une, lorsque l’on commença les procédures de la canonisation; l’autre, lorsqu’on était sur le point de la consommer, en 1668.
Je n’ai pas trouvé le procès-verbal de la première ouverture, mais un des deux suffit; et voici celui de la seconde, tel qu’il fut dressé par le docteur Gaspard Caldera de Heradio. C’était le plus ancien des deux médecins nommés pour faire l’examen juridique du saint corps, en présence de l’archevêque de Séville, Dom Antoine Païno, du commissaire du saint office, des archidiacres de l’église de Séville, et des juges délégués par le Saint-Siége.
Il commence par la description de trois cercueils emboités l’un dans l’autre, dont le troisième, couvert d’une toile d’argent, qui avait encore tout son éclat, ayant été ouvert et placé dans un lieu éclairé, on y trouva le corps de saint Ferdinand, qui fut d’abord considéré attentivement par l’archevêque et par les autres témoins, ensuite examiné par les médecins et les chirurgiens, qui constatèrent l’état d’entière conservation dans lequel le saint corps se trouvait. Ils ajoutèrent, dans leur procès verbal, qu’au moment où l’on ouvrit le cercueil il en sortit une odeur admirable qui ne ressemblait à aucune des odeurs connues, et dont l’effet était, en flattant l’odorat, de réjouir et de fortifier le cœur : c’est de là principalement que le procès-verbal conclut que l’incorruption du saint corps n’a pu être naturelle, et qu’on doit la regarder comme un miracle de la première classe.
Car, quoiqu’il en donne d’autres raisons très-concluantes, comme la nature du climat de Séville, qui est le canton le plus humide de l’Andalousie et celui où tout ce qui est sujet à la corruption se corrompt le plus aisément, le tombeau de marbre dans lequel le cercueil était renfermé, la chapelle très-humide par elle-même où il était enterré, les inondations fréquentes arrivées à Séville qui plus d’une fois la couvrirent d’eau tout entière, enfin l’hydropisie de laquelle il est constant que le saint est mort et qui est aussitôt suivie de la corruption; cependant cette odeur, qu’il appelle toute céleste parce qu’elle ne ressemble à aucune autre et qu’elle les surpasse toutes, cette odeur, dis-je, lui paraît la preuve la plus incontestable que l’incorruption du saint corps n’a pu être produite que par une cause surnaturelle et divine; car quelle peut en être la source que la volonté efficace du Tout-Puissant dans un corps qui, après l’examen le plus scrupuleux et le plus éclairé, ne laisse voir ni baume, ni parfums, ni aromates, ni le moindre vestige qu’il y en ait jamais eus?
Ainsi le Dieu tout-puissant manifesta la sainteté de son serviteur. Saint Ferdinand n’a quitté son trône de la terre que pour s’asseoir sur le trône de l’éternelle félicité. Par sa foi, sa piété et toutes les vertus dont il a donné de si beaux exemples, il a mérité d’échanger une couronne périssable pour la couronne immortelle que le Seigneur, dans les célestes tabernacles, réserve à tous ceux qui, sur la terre, au comble des honneurs comme dans les épreuves de l’adversité, l’ont servi avec fidélité, amour et persévérance.